La ferme céréalière Française est structurellement malade. Certes, cela n’est pas une nouvelle ! Pourtant, les résultats de la moisson 2020 font ressortir les symptômes d’un mal profond.

La dégradation de la ferme céréalière Française

L’année 2019 est synonyme de très bonnes récoltes et de prix de marché en nette amélioration. Ainsi, les entreprises agricoles ont pu retrouver un certain équilibre économique. Malheureusement, les conditions climatiques difficiles tout au long de la campagne entachent la récolte 2020. Et particulièrement, dans les régions Centre-Ouest de la France. À l’heure actuelle, les prix du marché sont supérieurs à la moyenne quinquennale. Mais, cela ne suffira pas à absorber l’ensemble des coûts engagés. Les trésoreries risquent fortement de se dégrader. Quelle que soit la région française concernée, avec un déficit estimé à 110 euros par hectare. Piloter Sa Ferme vous propose d’analyser les résultats de cette moisson 2020. Et, de mettre en lumière les conséquences sur la Ferme France. 

En introduction de cet article, nous rappelons que comparer les rendements 2020 de la ferme céréalière à ceux observés en 2019 implique un biais fort dans l’analyse. Puisque, l’année 2019 ne constitue en rien une référence historique. Il parait plus logique de comparer les rendements 2020 aux moyennes quinquennales. Plutôt que de les comparer dans une logique de variation annuelle.

Une récolte 2020 avec de fortes disparités pour la ferme céréalière Française.

Dans un premier temps, il est important de faire le point sur les volumes récoltés. D’après les estimatifs dont nous disposons en cette fin de mois d’août 2020.

Le blé :

Les rendements en blé devraient diminuer d’environ 4% par rapport à la moyenne quinquennale. Avec des écarts suivant les régions. Les rendements se situent dans la moyenne quinquennale pour les régions Bourgogne-Franche-Comté, Grand Est, Hauts-de-France, Île-de-France et Normandie. En revanche, les rendements décrochent de plus de 10% par rapport à la moyenne quinquennale. Notamment, en région Centre-Val de Loire (-11%) et Occitanie (-15%). Par ailleurs, cette baisse de rendements devient très significative en région Nouvelle-Aquitaine et Pays de la Loire. (respectivement -18% et -19% par rapport à la moyenne quinquennale).

Concernant le blé dur, la diminution des rendements est de même niveau qu’en blé tendre. (-4% par rapport à la moyenne quinquennale). Cela est d’autant plus vrai pour certaines régions. Comme, la Nouvelle-Aquitaine, l’Occitanie et les Pays de la Loire. Cependant, nous observons pour la deuxième année consécutive des rendements en forte progression en région Centre-Val de Loire (+10%).

Le colza :

De nouveau, les rendements en colza ont diminué de plus de 10% par rapport à la moyenne quinquennale. La baisse est quasi-générale. Et, elle est même supérieure à 15% en région Grand-Est, Normandie et Occitanie.

L’orge :  

Après d’excellents rendements en 2019, l’orge d’hiver affiche, en 2020, des résultats de 10% en dessous de la moyenne quinquennale. La baisse est significative en région Île-de-France, Bourgogne-Franche-Comté, Occitanie, Centre-Val de Loire et Pays de la Loire.

L’année 2020 est également décevante en orge de printemps. Le rendement moyen de cette culture est en baisse de près de 9% par rapport à la moyenne quinquennale. Les résultats sont en fort recul en région Île-de-France et Pays de la Loire.

 

Estimation des rendements de la ferme céréalière à la date du 26/08/2020* :

(*) Sources : AGRESTE et Piloter Sa Ferme, à la date du 26/08/2020

 

Évolution des rendements selon la moyenne quinquennale (2015-2019)** :

(**) Évolution des rendements par rapport à la moyenne quinquennale

 

Des prix 2020 qui restent supérieurs à la moyenne quinquennale.

Au-delà d’un raisonnement centré sur les rendements, il est nécessaire de regarder les niveaux de prix constatés fin août par rapport à ceux des années précédentes, à la même période. Nous constatons que les prix du blé tendre restent supérieurs de plus de 9% à ceux des cinq dernières années. Concernant le colza et le blé dur, les prix restent supérieurs de près de 3% et 6% à la moyenne quinquennale.

Cependant, en orge d’hiver, les prix sont inférieurs à la moyenne quinquennale de 15 euros par tonne, soit une baisse de 8%. La culture la plus pénalisée en termes d’évolution de prix est l’orge de printemps. Les prix sont inférieurs de 33 euros à la tonne. Soit, une baisse de 16% par rapport à la moyenne historique.

Prix de marchés constatés pour la récolte 2020 de la ferme céréalière au 26/08/2020.

Récolte 2020 pour la ferme céréalière France

De bons niveaux de chiffres d’affaires en blé, mais des décrochages en orge et colza.

L’estimation de la valeur de la récolte peut se faire à partir du rendement réalisé multiplié par le prix du jour. Soit, dans le cas présent celui du 26 août.

Nous réalisons cette estimation de la valeur de la récolte pour les cinq principales cultures déjà récoltées. Ainsi, les chiffres d’affaires potentiels sont au-dessus de la moyenne pour les blés. Avec 60 euros de plus par hectare que la moyenne quinquennale.

Cependant, les chiffres d’affaires potentiels reculent significativement en orge et colza. Pour le colza, le chiffre d’affaires potentiel est de 125 euros par hectare inférieur à la moyenne quinquennale. Ceci est lié à la baisse des rendements. Pour les orges, le cumul de la baisse des prix et des rendements engendre un recul du chiffre d’affaires. Ce dernier est plus significatif avec une baisse de 190€ par hectare en orge d’hiver. Et une baisse de 290€ par hectare en orge de printemps.

 

Estimation de la valeur de la récolte au 26 août de chaque année.

Valeur de la récolte pour la ferme céréalière

 

Le colza et les orges, cultures en forte baisse de chiffre d’affaires

 

Un déficit de trésorerie estimé à 22 000 euros pour une exploitation céréalière de 200 hectares.

Nous avons calculé le chiffre d’affaires potentiel de chacune des cultures à la date du 26 août. Désormais, il est opportun de l’associer à un besoin en chiffre d’affaires. Ce dernier, que l’on appelle également « point mort », correspond aux dépenses engagées par l’agriculteur. Mais, auxquelles il faut soustraire les aides dont il bénéficie. Ainsi que ses autres recettes liées à l’exploitation.

Cette méthodologie permet d’appréhender la rentabilité d’une exploitation agricole céréalière. Et ce, à partir de quatre principaux déterminants.  Les dépenses, les aides, les rendements et les prix de vente. Pour la récolte 2020, aucune région française ne devrait atteindre le point d’équilibre.

D’après les estimations, le besoin en chiffre d’affaires ne devrait être couvert qu’à 91%. Cela met en lumière les difficultés rencontrées par la Ferme céréalière France d’un point de vue structurel. Car, les coûts engagés sont en total décalage avec le potentiel de chiffres d’affaires.

Pour atteindre son objectif de chiffre d’affaires, la Ferme France sera dépendante de la progression des prix. Ces derniers devront atteindre une hausse de 10 % pour toutes les cultures d’ici à la fin de la campagne. Mais également des rendements à venir en maïs et tournesol.

Selon les indicateurs de rentabilité de Piloter Sa Ferme, la situation en 2019 était déjà complexe malgré de bons rendements. Nous risquons donc fortement de voir apparaître en 2020 une dégradation des trésoreries des exploitations agricoles. L’équation de la rentabilité économique est aujourd’hui beaucoup plus complexe. Car, il devient impossible de masquer le problème structurel de compétitivité de notre agriculture. Dans ce contexte, nos agriculteurs, en tant que chef d’entreprise, doivent être en mesure de mieux cerner et comprendre le fonctionnement de leur entreprise. Ainsi, la prise en main de la commercialisation et la maîtrise des coûts de production deviennent obligatoires pour assurer la pérennité du métier d’agriculteur en France.

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