Moisson 2024 : une perte de revenu entre 250 et 600 €/ha est attendue.
Cette baisse du revenu des agriculteurs est la conséquence du recul des rendements, de l’absence de qualité et du niveau des charges de production.
Les premiers résultats de la moisson 2024.
Louise : La moisson 2024 est bien terminée dans plusieurs régions françaises et se poursuit au Nord de Paris. Quels sont les échos des premiers résultats ?
Sylvain : Comme on pouvait s’y attendre du fait des conditions météo observées ces derniers mois, les résultats ne sont pas bons. Le verdict est tombé. Il manque des volumes par rapport aux moyennes quinquennales.
Perte de rendement sur le blé et l'orge de printemps
Concernant le blé moissonné en 2024 la perte de rendement se situe bien souvent entre 20 et 30 % par rapport aux moyennes quinquennales. Mais, dans certaines exploitation, nous constatons des pertes qui atteignent près de 50 %.
Pour ce qui est de l’orge de printemps nous observons des baisses de rendement entre 15 et 30 %.
Perte de revenu : double peine sur la moisson 2024.
Louise : Est-ce que la qualité des récoltes est au RDV ?
Sylvain : C’est la double peine cette année !
Les PS (Poids spécifiques) des blés récoltés sont bien souvent en dessous de la norme requise soit 76 pour du blé meunier. Une bonne partie des blés récoltés ont un PS compris entre 72 et 76. Mais une partie de la production française de blé a un PS inférieur à 72. Ce qui est en dessous de la norme des blés fourragers.
Le calibrage des orges de printemps est également bien souvent en dessous de la norme de 90 %. La conséquence est un déclassement d’une partie de la récolte d’orge brassicole en orge de mouture.
Moisson 2024 : les impacts sur le revenu des agriculteurs.
Louise : Quels sont les impacts de cette baisse des rendements et de l’absence de qualité sur le revenu des agriculteurs ?
Sylvain : Cette double peine impacte significativement le chiffre d’affaires des exploitations agricoles. Bien qu’en baisse par rapport à 2023, les coûts de production constatés en 2024 sont 25 % plus élevés qu’en 2021.
Ainsi, le niveau de chiffre d’affaires devrait être inférieur aux dépenses engagées. Il en découle une perte annuelle attendue de plusieurs centaines d’euros par HA.
Deux exemples parlants de ces impacts sur le revenu agricole 2024.
Pour évaluer l’impact de ces résultats sur le revenu, nous retrouvons les 2 exploitations que nous avons présentées début juillet, dans cet article,
- Jean : exploite 200 ha en région intermédiaire, dont 80 Ha de blé et 30 ha d’orge de printemps. Le reste de son assolement se constitue d’orge d’hiver, de colza, de tournesol et de pois.
- Paul : exploite également 200 ha. Son exploitation est située dans un rayon de 150 KM autour de Paris. Il produit 75 ha de blé et 20 ha d’orge de printemps. Le reste de son assolement est constitué d’orge d’hiver, de colza, de betteraves et de pommes de terre.
Les résultats de la moisson 2024 pour Jean sur son exploitation située en zone intermédiaire.
Pour 80 ha de Blé, le total des dépenses (dont la rémunération du travail de l’agriculteur) à couvrir par les ventes est de 1400 €/ha. Ce qui représente un seuil de commercialisation de :
- 200 €/t pour un rendement objectif de 7 T/ha.
- 233 €/t avec un rendement effectivement réalisé de 6 T/ha.
Le chiffre d’affaires effectivement réalisé est de 1140 €/ha pour 6 tonnes récoltées et valorisées à 190 €/T. Soit un prix de vente de 210 €/T auxquels il convient de déduire une réfaction suite à la moindre qualité des blés récoltés.
Donc, le résultat de la moisson de blé 2024 pour l’exploitation de Jean représente une perte attendue de 260 €/ha. Soit, 20 800 € pour les 80 ha de blé produits.
Sur 30 ha d’orge de printemps, le total des dépenses à couvrir par les ventes, incluant la rémunération du travail de l’agriculteur, est de 1200 €/ha. Soit un seuil de commercialisation de :
- 240 €/T pour un rendement objectif de 5 T/ha.
- 300 €/T avec un rendement effectivement réalisé de 4 T/ha.
Le chiffre d’affaires effectivement réalisé est de 860 €/ha pour 4 tonnes récoltées et valorisées à 215 €/T (70 % en brasserie et 30 % en mouture).
Par conséquent la perte attendue sur le résultat de la moisson 2024 est de 340 €/ha. Soit, 10 200 € pour les 30 ha d’orge de printemps produits.
Résultats de la moisson 2024 sur l’exploitation de Paul située dans le Bassin Parisien :
Pour 75ha de blé, le total des dépenses (dont la rémunération du travail de l’agriculteur) à couvrir par les ventes est de 1750 €/ha. Ce qui correspond à un seuil de commercialisation de :
- 206 €/t pour un rendement objectif de 8.5 T/ha.
- 292 €/t avec un rendement effectivement réalisé de 6 T/ha.
Le chiffre d’affaires effectivement réalisé sur cette moisson 2024 est de 1140 €/ha pour 6 tonnes récoltées et valorisées à 190 €/t. Soit un prix de vente de 210 € auxquels il faut déduire une réfaction de 20 €/t suite à la moindre qualité des blés récoltés.
Pour cette moisson 2024 la perte attendue est donc de 610 €/ha. Soit 45 750 € pour les 75 ha de blé produits par l’exploitation de Paul.
Sur 20ha d’orge de printemps le total des dépenses à couvrir par les ventes (incluant la rémunération du travail de l’agriculteur) est de 1650 €/ha. Soit, un seuil de commercialisation de :
- 235 €/t pour un rendement objectif de 7 T/ha.
- 330 €/t avec un rendement effectivement réalisé de 5 T/ha.
Le chiffre d’affaires effectivement réalisé est de 1075 €/ha pour 5 tonnes récoltées et valorisées à 215 € (70 % en brasserie et 30 % en mouture).
Ainsi, la perte attendue est de 575 €/ha. Soit, 11 500 € pour les 20 ha d’orge de printemps produits.
L'analyse de PSF sur la moisson 2024 et ses pertes de revenus significatives.
Louise : Ces pertes sont significatives ! Pouvez-vous nous en dire plus Sylvain ?
Sylvain : Le niveau de charge constaté depuis la récolte 2022 pénalise et fragile la rentabilité de l’activité agricole française.
Dès qu’il y a un aléa climatique (perte de rendement) et/ou économique (recul significatif des marchés comme nous l’avons constaté depuis le début de l’année 2023, réfaction sur le prix de vente liée aux problèmes de qualité), le niveau de chiffre d’affaires n’est plus suffisant pour couvrir les dépenses engagées et rémunérer le travail de l’agriculteur.
Un revenu agricole négatif pour la moisson 2024.
Louise : Donc, les résultats attendus pour les cultures du blé et des orges de printemps ne vont pas compenser les résultats négatifs que vous indiquiez pour les orges d’hiver et les colzas début juillet dernier.
Dans ces circonstances quels conseils donneriez vous aux agriculteurs ?
Sylvain : Oui, le revenu de la Ferme France devrait être significativement négatif en 2024. Mais, tout particulièrement pour les agriculteurs qui ne produisent pas de cultures industrielles.
Par conséquent, la priorité est d’évaluer les enjeux de cette récolte 2024 sur le résultat de l’exploitation agricole. Mais également d’anticiper les conséquences de cette perte sur l’évolution de la trésorerie de l’exploitation jusqu’au 30 juin 2025.
Les agriculteurs utilisateurs des outils Piloter Sa Ferme, peuvent avec leur tableau de bord présenté ci-dessous, évaluer les enjeux de la perte des rendements sur leur revenu et sur leur trésorerie.
Gérer, c’est anticiper : il convient donc de prendre les devants ! Plus tôt ce sera fait, plus l’exploitation se dotera de moyens pour préparer le financement de la récolte 2025 en s’appuyant sur ses partenaires bancaires.
Par ailleurs, il convient d’évaluer le niveau de compétitivité de l’exploitation. Mais aussi, d’identifier les marges de manœuvre pour agir sur sa rentabilité et son degré de résilience.
Vous souhaitez anticiper votre récolte 2025 ?
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Et, en attendant, nous vous donnons RDV dans quelques jours pour vous présenter les résultats consolidés de l’ensemble des cultures déjà récoltées et approcher le résultat prévisionnel sur la Ferme France.
Louise et Sylvain, Agriculteur et cofondateur de Piloter Sa Ferme.